octobre 15, 2012

Les femmes myrophores : l’honneur de l’humanité



Le véritable Evangile de Pâques n’est pas celui qui est lu la nuit, le Prologue de saint Jean – qui est plus lié à la Nativité et au baptême – mais le récit de la Résurrection chez saint Matthieu, lu à la liturgie du Samedi Saint (Mt 28).
Or, dans cette péricope il y a un groupe de personnages qui tient une place centrale : ce sont les Myrophores[1], qui sont deux chez saint Matthieu, mais trois chez saint Marc, à savoir Marie de Magdala, Marie Jacobé et Marie Salomé (connues en Occident sous le nom des « trois Marie »).
Ces trois femmes sont un modèle de vie chrétienne et sauvent l’honneur de l’humanité. Elles sont courageuses, obéissantes, aimantes et, surtout, elles ont la foi.
Il leur en a fallu du courage pour suivre le Christ : elles l’ont suivi durant toute Sa Passion, sans craindre les mauvais regards, les remarques désagréables, les quolibets des Juifs et des soldats romains, alors que les Apôtres, les « hommes » se sont enfuis et qu’ils se sont barricadés dans le Cénacle « par crainte des Juifs » (Ils ont arrêté le Maître : et s’ils nous arrêtaient aussi? Fuyons…). Et il leur en faut encore du courage pour aller, au lever du soleil, vers le tombeau du supplicié, gardé par les soldats !
Leur courage et leur liberté pourraient les conduire à s’affranchir de la Loi, des prescriptions légales. Mais non : elles demeurent dans l’obéissance. Malgré l’immense désir qu’elles ont d’aller retrouver le Maître bien-aimé dans son tombeau, elles respectent le Sabbat, parce que la Loi vient de Dieu. Elles obéissent à Dieu. Elles respectent le Sabbat comme le Fils de l’Homme le respecte par Sa mort. Bel exemple d’un comportement antinomique chrétien (liberté - obéissance) !
Mais ce qu’il y a de plus beau, de plus extraordinaire, c’est leur démarche. Ces trois femmes se lèvent de grand matin, alors qu’il fait encore quasiment nuit, pour aller visiter un mort ! Ces trois femmes aiment un homme qui est mort. Elles ont un tel amour pour le Messie – le Rabbi Yeshouah – qu’elles continuent à l’aimer, même dans la mort. Malgré cette mort – et cette mort atroce, cette mort infamante d’esclave – elles croient que Jésus est et demeure le Christ, le Fils de Dieu. Elles ne peuvent pas,évidemment, s’imaginer qu’Il soit ressuscité, parce que cela dépasse l’intelligence, mails elles ont l’intuition que l’histoire ne s’arrête pas là, avec la mort du « Rabbouni » tant aimé. Et que vont-elles faire au Sépulcre ? Apporter des parfums pour oindre le corps de Jésus. Il n’y a pas de geste plus amoureux que d’offrir du parfum : c’est un acte gratuit d’amour. Et le parfum représente,en l’occurrence, la présence ineffable du Saint Esprit, le Donateur de vie. Le fait de venir parfumer le corps de Jésus mort est le signe même de l’intuition spirituelle de ces femmes : Il ne peut pas rester couché dans la mort, Il revivra… Elles accomplissent là un acte gratuit d’amour pour Dieu.Ces femmes correspondent à leur nom-Marie-qui signifie « l’amante de la lumière »[2].C’est surtout vrai pour Marie de Magdala,la femme très aimante,celle qui avait répandu « un nard de grand prix » sur la tête et les pieds du Seigneur « en vue de Sa sépulture » (Mat 26,12) et qui est le personnage central (chez St Jean,le christ ressuscité lui apparaît à elle seule).
Enfin, elles ont une foi inébranlable. Elles vont vers le tombeau tout en sachant qu’il est scellé et clos par une pierre énorme et elles se demandent : « qui nous roulera la pierre ? » Sans parler des soldats, qui vont peut-être les refouler… Elles ne savent même pas si elles pourront entrer dans le Sépulcre pour oindre le corps du Seigneur, mais elles y vont. Elles ont la foi !
Le Christ répondra sans tarder à cet amour-feu : elles seront les trois premières personnes à le voir ressuscité. Sublime attention du Maître !
Lorsqu’elles arrivent au tombeau, l’Ange du Seigneur a roulé la pierre pour bien montrer que le tombeau était vide : « venez, voyez… ».Elles sont témoins de la résurrection pour toute l’humanité,pour l’univers entier.  Le Christ est sorti du tombeau scellé parce qu’Il est ressuscité et qu’Il a Son corps de gloire, ce corps transfiguré qui n’est plus soumis à la matière, ni au temps, ni à l’espace. Et l’ange ajoute : « Pour vous ne craignez pas… » (les soldats, eux, sont terrifiés, mais l’ange ne les rassure pas, parce qu’ils ont tué le Fils de l’Homme, le principe de la vie). De même, lorsque le Christ les rencontre et Se manifeste à elles, Il dit « ne craignez pas… ». Celui qui a un cœur aimant et qui a la foi, n’a rien à craindre ,parce qu’il est « à l’ombre des ailes » du Tout puisant (Ps 17[16], 8).
Les trois Marie annonceront la Bonne nouvelle aux Apôtres qui n’écouteront pas ce qu’ils estimeront être des «histoires de bonne femme » et ne les croiront pas.
Les Myrophores constituent pour tous les chrétiens un modèle et un enseignement spirituel qu’on pourrait résumer en trois phrases :
-Nous devons aller au devant de Dieu dès qu’apparaît dans notre vie une lueur spirituelle, une aube qui pointe au sein des ténèbres,et partir « de grand matin »,c'est-à-dire sans tarder, ce qui suppose de s’être préparé par un « sabbat », une intériorisation.
-Nous devons aller courageusement vers le sépulcre – qui est la mort et qui contient touts nos morts – sans nous demander qui nous roulera la pierre : Dieu y pourvoira ….
-Nous devons, être capables de faire un acte gratuit d’amour pour Dieu, comme Lui-même l’a fait pour nous. Et il s’agit là d’un amour-feu, d’un amour avec un grand A, et non pas d’une approche intellectuelle de Dieu ou d’une relation intéressée. C’est cela que Dieu attend de nous.

Dans la symbolique paulinienne du mariage, l’homme représente le Christ et la femme représente l’humanité, l’Eglise. Quel espoir pour l’humanité de compter dans son sein les trois Myrophores venues au tombeau du Christ ! Qu’elles soient nos didascales dans le mystère de Pâques.
 P. Noël TANAZACQ
Recteur de la paroisse Ste Geneviève-St Martin (Paris)
Source : http://www.apostolia.eu/fr/

NOTES:

[1] Myrophore= porteuse de myre : gomme aromatique utilisée pour empêcher la putréfaction du corps.
[2] C’est le décalque araméen d’une expression égyptienn

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