août 21, 2011

LA PROMESSE DE LA TERRE - Emmanuel LEVYNE

M. Jacques FAUVET, « Le Monde » 5, rue des Italiens, PARIS 9ième

Cher Monsieur,


Une fois de plus je dois rétablir la vérité qui n'a pas été respectée par un de vos lecteurs (qui) écrit: « mais il est une citation en tout cas que personne ne pourra jamais tirer de la Bible (y compris du Nouveau Testament), c'est une révocation quelconque de la promesse de la Terre faite à Abraham, et renouvelée à Isaac et Jacob pour leur descendance « à perpétuité »

Votre correspondant devrait savoir qu'il existe différentes lectures de la Bible: juives et chrétiennes. La lecture de la tradition rabbinique, à laquelle j'appartiens, se distingue par son souci d'atténuer et même de supprimer les rigueurs de la loi mosaïque: guerres, peines de mort, sacrifices sanglants, etc. Par exemple, les rabbins n'ont jamais compris la loi du talion à la lettre. Ils ont dit que chaque mot de la Bible se prêtait à 70 interprétations, et d'après certains à 600 000. Lire la Parole de Dieu d'une manière simpliste conduit à des absurdités et à des aberrations. Dans le Zohar (111, 152a), il est dit: « Le sens littéral de l'Ecriture, c'est l'enveloppe; et malheur à celui qui prend cette enveloppe pour l'Ecriture même ». Et dans les « Tikounè Hazohar » (Tikoum 43, 82a), on affirme que cela fait revenir le monde au chaos primitif. Il est évident que si l'on s'obstine (...) à lire la Bible littéralement, c'est ce qui risque de se produire à brève échéance.

Car la Bible ne promet pas à Israël une Palestine habitée, la coexistence, mais une terre dont les habitants auront été dépossédés impitoyablement et qui aura été purifiée de tous les lieux de cultes étrangers: « Vous chasserez devant vous tous les habitants du pays, vous détruirez toutes leurs idoles de pierre, vous détruirez toutes leurs images de fonte, et vous détruirez tous leurs hauts lieux » (Nombres 33, 52). En conséquence, d'après le sens littéral du texte biblique, (...) pour justifier le sionisme, les non juifs, les Palestiniens y compris, n'ont aucun droit : ils doivent être chassés du pays et leurs églises et leurs mosquées détruites.

Les Arabes, les Palestiniens en particulier, n'accepteront jamais une telle interprétation. Ni même le monde civilisé. A moins de se convertir ou d'être convertis de force au judaïsme sioniste. Nous ne sommes plus au temps de Moïse et de Josué. Les rabbins ont évolué et déjà du temps du Talmud, il y a près de 2 000 ans, ils avaient pris conscience que les juifs et le judaïsme ne pourraient survivre sans un changement de conception, sans une nouvelle exégèse de la Promesse de la Terre: ils avaient été témoins de la
catastrophe à laquelle avait abouti le nationalisme juif. Mais certains chrétiens voudraient revenir à une situation antique. Ils se réjouissent de voir une partie du peuple juif engagée dans une voie qui est bien connue des historiens pour mener inéluctablement à la catastrophe.

La Promesse de la Terre, selon les rabbins, doit s'accomplir par le Messie miraculeusement, surnaturellement, sans armes et sans guerres avec l'accord de toutes les nations intéressées.

Pour les rabbins, ce qui compte avant tout, c'est de préserver les vies juives, et comme l'écrit le rabbin de Satmar Joël Teitelbaum, dans son dernier livre, publié après la guerre des six jours, « Al hagueoula veal hatemoura », p. 10 : il ne valait pas la peine d'en perdre une seule pour l'existence d'un Etat, comme le pensait aussi Nicolas Berdiaeff qui a écrit: « La mort d'un seul homme, du dernier des hommes, est un événement plus important et plus tragique que la mort d'un Etat ou d'un Empire. Il est peu probable que Dieu s'aperçoive de la mort des plus grands royaumes, mais la mort d'un homme ne lui échappe pas ». (« De l'Esclavage et de la liberté de l'homme »).

Voilà un langage à la fois profondément juif et chrétien, que tous les croyants devraient entendre. Je veux bien de la Promesse d'une Terre, mais non d'une terre arrosée du sang des pauvres et des innocents.

P. S. -Je ne suis pas un spécialiste de l'exégèse chrétienne, mais j'ai dans mes dossiers un document émanant d'un groupe de théologiens du Proche-Orient et intitulé « Mémorandum sur les exigences de la foi chrétienne devant le problème palestinien » dans lequel je lis p. 29 :
« 13. La promesse faite à Abraham porte sur une descendance et sur une terre. Si cette descendance devait être la race juive et la terre la Palestine, cela signifierait que Dieu exclut les autres peuples de la terre. Or la bénédiction de la promesse est destinée à se répandre sur toute l'humanité et toute la création. La promesse est accomplie dans le Christ. Il est personnellement la descendance (Galates 3 et 4). Lui qui récapitule toute l'humanité. Quant à la terre, on en hérite dans l'Esprit Saint et c'est le Royaume de Dieu (Béatitudes Matthieu 5). Comprendre « selon la chair » la promesse faite à Abraham, c'est pervertir le dessein de Dieu; c'est seulement « selon l'Esprit » que s'accomplit la promesse : dans le Christ ressuscité (Actes 13, 32). La descendance et la terre ne sont pas acquises par l'homme mais données par Dieu. )

Je vous demande, cher Monsieur, de publier cette lettre, au nom de la vérité.

Source : http://tzedek.pagesperso-orange.fr/Page432.htm

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