août 19, 2011

DE LA LUMIÈRE PHYSIQUE À LA LUMIÈRE SPIRITUELLE

DE LA LUMIÈRE PHYSIQUE À LA LUMIÈRE SPIRITUELLE

Lettre à Mlle Évelyne-Sarah Mercier


Hubert Larcher
docteur en médecine



« Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne... »

Genèse, 1, 3-4


   
Chère Mademoiselle,
 
 

Vous m'avez fait l'honneur de me demander de participer à la rédaction d'un livre composé par différents auteurs, notamment des collaborateurs de l'association IANDS-France, branche française de l'International Association for Near Death Studies, et je vous en remercie.

Malheureusement, l'essentiel de ma bibliothèque se trouve, pour quelque temps, enseveli dans des cartons de déménagement, de telle sorte que mes ressources bibliographiques sont actuellement limitées.

Toutefois, la vision d'une certaine lumière étant souvent rapportée par les rescapés de la mort comme l'un des éléments du syndrome décrit par le docteur Raymond Moody Jr, je vais m'efforcer de vous écrire quelques lignes à son propos.

En effet, le mot lumière paraît pouvoir s'appliquer à des aspects si différents de la réalité qu'il en résulte bien des ambiguïtés et des difficultés sémantiques.

Je crois donc utile de distinguer, à propos de cette lumière que disent avoir perçue les sujets revenus des confins du trépas, ce qui relève des niveaux physique, psychique et pneumatique ou spirituel.
 
 


1. La lumière extérieure physique

Laissons aux physiciens le soin de nous expliquer la nature des photons et aux biologistes celui de décrire comment l'énergie photonique du soleil est captée par les chloroplastes des végétaux pour vivifier toute la procession des êtres vivants lancés à la conquête probabiliste de l'autonomie, comme des aspirateurs de syntropie de plus en plus complexes, de mieux en mieux informés, jusqu'à l'élaboration de ce microcosme qu'est l'homme.

C'est cet homme qui s'est montré capable, par l'observation, la réflexion et l'expérience, de mesurer les vitesses de la lumière extérieure physique en les situant entre zéro et 300 000 kilomètres par seconde, depuis celles, plus lentes, des bradyons qui progressent dans différents milieux jusqu'à celle des luxons lancés dans le vide, qui atteint, comme une limite, le mur de la lumière, clôture de ce monde tel que nous le percevons et tel qu'il nous conditionne.

Mais ce que ni l'observation, ni l'expérience ne peuvent actuellement percevoir, la réflexion peut le concevoir en projetant un au-delà du mur de la lumière dans lequel d'hypothétiques tachyons atteindraient des vitesses allant de 300 000 kilomètres par seconde jusqu'à l'infini.

Il. La lumière intérieure psychique

La physique moderne reconnaît que l'observation dépend de l'observateur et de l'expérience de l'expérimentateur : c'est dire que le postulat de l'objectivité de la nature, cher aux scientifiques, se doit aujourd'hui de reconnaître objectivement le rôle du sujet qui perçoit et qui conçoit.

Lumière, couleurs et formes sont perçues non visiblement à travers le derme, comme l'ont montré les travaux de Mme Yvonne Duplessis 1, et visiblement par les canaux de l'appareil visuel.

La réflexion de la lumière par les objets qui nous environnent les révèle à nos yeux, que cette huilière prenne sa source dans le soleil, la lune, les étoiles, le feu, l'éclair, l'électricité, le phosphore ou la bioluminescence.

Ce que la lumière extérieure physique révèle à nos yeux, nos yeux le transmettent, par le cortex visuel, à notre conscience qui les perçoit.

La conscience est conscience du présent, puisque les souvenirs, elle se les rappelle, et les projets, elle se les représente.

L'étude critique de la théorie de Bergson sur le souvenir du présent et la fausse reconnaissance2 me paraît bien montrer que, si la perception définit bien le présent de la conscience, ce présent résulte de l'interaction entre les impressions et les sensations qui nous viennent du passé, et les impulsions et les actions que nous projetons vers le futur 3.

Il convient donc de nous demander : ce que la conscience perçoit hors de soi est-il bien du présent ?

Enfant, je voyais, depuis la colline de Pass-Prest, au-dessus du rempart de la ville de Saint-Paul, le compagnon forgeron Bonfante en train de battre le fer sur son enclume à quelque cinq cents mètres de moi

Le son de sa frappe me parvenait avec retard sur sa vision.

L'abbé Hecquet, ami de feu mon père, m'expliqua la différence entre les vitesses du son et de la lumière et m'apprit à calculer la distance de l'éclair en fonction du laps de temps écoulé entre son éclat et le coup de tonnerre.

Puis, la nuit, il me fit contempler la voûte sidérale, me révéla que, ce que je croyais voir dans l'espace, je le voyais aussi dans le temps et que certaines des étoiles qui scintillaient à nos yeux étaient éteintes depuis très longtemps.

On ne parlait pas encore, à cette époque, du rayonnement fossile. Les télescopes n'étaient pas encore ces grands chronoscopes lancés aujourd'hui à l'assaut des commencements.

A plus modeste échelle, lorsque je crois percevoir la présence du disque solaire, il est déjà passé de huit minutes.

Et lorsque nous nous sommes réunis l'autre jour, assis à peu de mètres les uns des autres, croyant nous voir, nous ne percevions, en réalité, que ce que nous avions été quelques fractions de seconde avant !

Cela est d'autant plus vrai qu'au temps mis par la lumière pour aller impressionner les rétines, il fallait ajouter celui que mit l'influx nerveux - neuf mètres par seconde environ - pour transmettre ces impressions aux centres oculomoteurs, au cortex occipital et aux structures coordinatrices du cerveau.

Peut-être est-ce grâce à ces chronaxies que me paraissent bien synchronisées l'expression de votre visage et les paroles que vous m'adressez lorsque nous conversons.

En effet si le son me parvient plus lentement que l'image, en revanche la distance entre l'oeil et le cortex visuel est plus grande que celle qui sépare l'oreille du cortex auditif ; ce qui tend à faire mieux coïncider les instants de perception de la lumière et du son.

Ainsi, force nous est d'admettre que ce que nous percevons n'est pas le présent de notre perception, mais du passé par rapport à ce présent ; et encore sous réserve que cette perception ne soit pas trop altérée par sa composante motrice tournée vers le futur.

En effet, si la réponse motrice est affectée par le souvenir d'une sensation passée perturbée, par une grave préoccupation, ou par la puissance d'une forte imagination, la perception normale se trouve dérivée comme dans la distraction, déformée comme dans la projection, ou supplantée comme dans l'hallucination, qui est une « perception sans objet à percevoir 4 ».

Si ce que la conscience perçoit hors de soi n'est pas du présent mais prend ses sources dans la communication entre l'information sensorielle qui vient du passé et l'action motrice projetée vers l'avenir, on doit se poser la question de savoir dans quelle mesure elle peut accéder à la vérité, c'est-à-dire à la conformité entre perception et réalité.

Pour tenter de répondre à cette question, il faut considérer que, si nous pouvons percevoir le présent, c'est bien celui de notre conscience, et que c'est donc elle qu'il convient d'étudier.

Malheureusement, William Hamilton avait peut-être raison de penser que la conscience ne peut pas être définie 5, le fait de la conscience étant une des données fondamentales de la pensée, qu'on ne peut résoudre en éléments plus simples.

Tout au plus pouvons-nous distinguer la conscience primitive de la conscience réfléchie : ce qui connaît de ce qui est connu ou, comme le dit la Bhagavad-Gitâ, le « champ » du « connaissant du champ », et, dans ce « champ », percevoir la conscience d'autrui par complémentarité, communication ou participation.

J'avais été invité par le Centre védantique Ramakrishna de Gretz à participer, le 8 juin 1969, à un colloque sur « L'Avenir de l'homme », où je devais traiter le sujet suivant : « Conscience du présent et de l'éternité 6. » Et je me demandais comment définir la conscience, lorsque, le 18 mai mourut ma mère.

Assistant à ses derniers moments, je vis son regard vide, éclairé un instant, au prix d'un effort qui paraissait surhumain, pour tenter de me voir une dernière fois, s'éteindre définitivement ; et je compris alors que, lorsqu'on dit d'un trépassé qu'il s'est éteint, cette expression peut s'entendre au sens propre, ayant trait à l'extinction objective de l'éclat de ses yeux ternis par la mort comme à celle, subjective, de sa perception de la lumière ; et au sens figuré d'extinction de sa conscience.

Cette observation et cette expérience profondément vécues m'ont conduit vers une définition de la conscience qui n'était ni abstraite, ni théorique, ni même rationnelle, et qui ne pouvait s'exprimer que sous une forme analogique, symbolique et ambivalente

La conscience est une lumière intérieure psychique.

De même que la lumière extérieure s'allume et s'éteint, de même celle de la conscience apparaît ou disparaît.

Elle est bien intérieure puisqu'elle se manifeste encore aux yeux de l'âme, alors que ceux du corps sont clos par les paupières ou plongés dans la nuit. Elle est bien psychique puisqu'elle éclaire encore l' « oeil du coeur » au moyen de l'ouïe, sens né avant celui de la vue et qui est le dernier à mourir.

Lorsque je m'endors, je perds conscience, et celle-ci reparaît avec mon réveil.

Lumière intérieure psychique et lumière extérieure physique symbolisent, certes, mais ce symbolisme est plus qu'une simple analogie.

En effet, il existe une relation fonctionnelle d'adaptation entre cette lumière extérieure physique, qui conditionne ma perception visuelle objective de ce monde qui m'entoure, et la lumière intérieure psychique qui me permet d'en prendre conscience.

Si l'homme obéit bien au rythme circadien, veillant le jour, dormant la nuit, il fut soumis pendant des millénaires au rythme des saisons, donnant peu en été, hibernant en hiver ou se chauffant au feu qu'il devait surveiller avec la plus extrême vigilance.

De même que la flamme prolongeait la lumière du jour et celle de l'été jusqu'au coeur de la nuit et de l'hiver, de même la surveillance du feu, dont dépendait la survie du foyer, prolongeait la vigilance des veilleurs jusqu'à l'au-delà des affres de l'obscurité et des dangers mortels de l'engourdissement.

De même qu'ils alimentaient le feu avec du bois sec pour en tirer lumière et chaleur, de même ils peuplaient leurs veilles d'images-souvenirs pour en tirer le chaleureux espoir de revoir le printemps ; aube incertaine de ce « soleil de la mémoire » qui éclaire notre conscience.

Le pas de la réflexion paraît ainsi lié aux réflexes de la survie, comme si la flamme vacillante, couvée du regard, avait engrammé son image archaïque dans le cerveau et l'âme du veilleur au point que cette image, prenant son autonomie, est devenue feu intérieur.

De même que, de la danse du feu naît le ballet des ombres, de même la lumière intérieure psychique anime les ombres portées de l'inconscient.

C'est ainsi qu'il existe des aubes et des crépuscules de la conscience, des pénombres imaginaires et des faux jours illusoires.

La relation originelle entre lumière et conscience paraît avoir inscrit sa trace dans la physiologie comparée, puisque l'électroencéphalographie met en évidence, d'une part la relation entre les ondes alpha, le cortex occipital et les perceptions visuelles, et, d'autre part, le fait que la réaction d'arrêt de ces ondes n'est pas due aux stimulations, mais aux émotions qui en résultent ; c'est-à-dire qu'aux impressions sensorielles doivent répondre des impulsions motrices, réactions expressives qui manifestent une activité psychique d'attention, d'intérêt ou d'émotion. L'animal doit « non seulement voir mais encore regarder, non seulement entendre mais encore écouter; non seulement sentir mais encore flairer 7 ».

Chez l'homme, les ondes alpha suivent les rythmes de la lumière vacillante 8, et dans l'obscurité, le seul fait de chercher à percevoir les objets déclenche la réaction d'arrêt9. C'est ainsi que, bien après le coucher du soleil et l'extinction des feux, veille la lumière de la conscience, jusqu'à ce qu'elle s'éteigne à son tour dans les bras de Morphée.

Ces impressions qui me parviennent du monde extérieur à des vitesses différentes, j'en retire les sensations actuelles, à partir desquelles je le perçois dans le présent de ma conscience.

Si l'expression d'un visage et le son de sa voix me paraissent synchrones, c'est en raison de leur proximité, puisque le mouvement du forgeron et le bruit de son marteau me paraissent décalés par la distance.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle, tandis que mes yeux me donnent de l'espace une vision perspective de relief, ma conscience, en percevant dans son présent des objets distribués dans le temps, en retire un sentiment d'épaisseur du présent, une impression de durée, une notion d'objectivité.

Tout se passe comme si les informations discontinues de mes diverses portes d'entrée sensorielles étaient autant de témoins potentialisant leurs témoignages pour contribuer à l'établissement de la vérité.

Cependant, de même que c'est au tribunal qu'il appartient de juger de la convergence des témoignages en justice, de même, seule une structure de convergence des sens peut établir une continuité synesthésique entre leurs informations discontinues, édifier une unité de perception à partir de leur diversité de sensations ; et c'est cette structure qui est appelée sensorium, ou sens commun.

Voici ce qu'en dit Görres :

« Chaque sens, en effet ,a deux parties, et comme deux éléments bien distincts : l'un extérieur, qui saisit les objets du dehors, et l'autre intérieur, correspondant au premier, mais dans un rapport plus direct avec l'âme à laquelle il rapporte les impressions venues du dehors. Or c'est cet élément interne qui, purifié et transformé, pour ainsi dire, par la mystique, acquiert souvent une telle énergie qu'il semble avoir absorbé l'élément extérieur, et suffire à lui seul pour toutes les opérations des sens. »

[...]

« Ils acquièrent une concentration plus grande, et peuvent par conséquent saisir davantage le centre et le fond des choses. Pénétrant au-delà de la surface extérieure, ils vont chercher la réalité qu'elle cache ; et, saisissant ainsi les objets d'une manière plus précise et plus large, non plus du dehors au dedans, mais du dedans au dehors, ils en procurent à l'âme une connaissance plus sûre et plus profonde 10. »

Le sens commun, qui assure la synthèse des sens particuliers, « rangés en cercle autour de lui », subit, « sous l'influence de la vie mystique, la même transformation que les sens particuliers dont il est le centre ». «Il exerce un empire absolu sur tous les autres 11. »

Cette manière de décrire le sens commun, qui rappelle le polygone de Grasset, se trouve corroborée par les observations de la science métapsychique telle qu'elle fut fondée par le professeur Charles Richet, Prix Nobel de physiologie en 1913 12 . En effet, l'observation et l'expérience ont permis de mettre en évidence la lucidité sous différentes formes, dites clairvoyance, télépathie, prémonitions, qui se manifestent souvent sous forme de visualisations et, plus rarement, de visions.

Ces dernières se distinguent des hallucinations puisqu'elles ont un objet à percevoir, et des perceptions visuelles normales du fait que l'objet perçu est situé hors du champ spatio-temporel de la vision oculaire ; c'est-à-dire à distance et dans des temps passés ou futurs.

Tout se passe comme si la conscience lucide pouvait comprendre dans son champ perceptif une épaisseur de présent intégrant le passé, le futur et l'ailleurs, pour les concentrer dans l'instant, la simultanéité et l'immédiation.

L'instant contient, en puissance, non seulement les engrammes de la mémoire individuelle, de celle de l'espèce, des espèces précédentes et même de ce cosmos dont elles sont issues, mais encore les programmes qui les conduisent vers leurs fins ; c'est-à-dire l'ensemble « enroulé » de ce que l'Histoire « déroule » en actes.

Descartes disait que, si l'homme peut acquérir quelque certitude, celle-ci résidera dans l'instantanéité de l'intuition, dans la simultanéité nécessaire de notre pensée et de notre existence (Je pense donc je suis), car c'est une propriété de l'âme de percevoir en un seul instant plus d'une seule chose.

Nous avons déjà dit comment l'instant de la perception était défini par la connexion entre l'image sensorielle et sa correspondante motrice. Nous pouvons également recevoir, en un instant privilégié, ce qui naît de la simultanéité entre une pulsion, une motion intérieure et une impression extérieure, entre une instance qui nous anime et une circonstance qui survient, entre notre pensée et un événement extérieur ; ce que Jung a qualifié de synchronicité.

Lorsque je me réveille et que j'ouvre les yeux, il y a synchronicité ; c'est-à-dire simultanéité entre ma perception de la lumière extérieure physique et celle de la lumière intérieure psychique de ma conscience, entre la perception de mon existence et celle de ma pensée : je réveille moi.

De même que l'intuition établit une relation synchrone entre l'existence et la pensée à l'intérieur du microcosme, de même l'immédiation sympathique, chère à Gabriel Marcel, qui l'opposait à la « médiation instrumentale », parait capable d'établir une relation immédiate entre l'homme et son milieu extérieur et intérieur.

C'est du moins ce que paraissent manifester les manifestations psychosomatiques paranormales et les phénomènes de psychokinèse étudiés par la science métapsychique.

En effet, Richet définit la métapsychique comme « une science qui a pour objet des phénomènes mécaniques, ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes, ou à des puissances inconnues, latentes dans l'intelligence humaine 12 ».

Ce lien psychomécanique entre intelligence et force établit, entre le monde intérieur psychique et le monde extérieur physique, une sympathie assez efficace pour unifier l'information et sa puissance d'action en un passage à l'acte.

Instantané, synchrone et immédiat, ce passage à l'acte psychocinétique pose le problème de la relation effective entre la lumière intérieure psychique du microcosme et le macrocosme éclairé par la lumière extérieure physique.

III. La lumière spirituelle

A l'aube du 25 novembre 1990, longeant en bateau la rive du Gange bordée par les ghat, escaliers de descente vers le fleuve depuis la ville sainte de Varanasi, que les Anglais appelèrent Bénarès, je vis, assis sur un ambon, un ascète méditant, immobile comme une statue, face à l'est, attendant le lever du soleil.

A travers le rideau de ses paupières closes, il ne verrait pas le soleil lui-même, mais percevrait sa lumière tamisée par sa chair et teintée par son sang dont la rougeur irait en s'éclairant.

Sa conscience associerait ainsi l'aube du soleil macrocosmique à la transillumination de ce sang du microcosme que les poètes alchimistes d'Occident ont symboliquement qualifié de soleil liquide, comme s'il pouvait exister une secrète relation entre l'astre dit jour extérieur et la nuit obscure de notre parcelle d'océan intérieure.

Du soleil à la chlorophylle, l'énergie photonique apparaît comme le fil continu de l'énergie qui lie la discontinuité apparente des êtres vivants.

Elle sous-tend une évolution topologique qui va du végétal verticalement polarisé vers la terre, jusqu'à l'homme verticalisé vers le ciel, en passant par les horizontalités animales du poisson, du serpent, de l'oiseau.

Elle dessinerait ainsi, dans le cours de l'histoire naturelle, un collier de perles vivantes si, s'arrêtant au microcosme, elle n'était privée du dernier quart de son circuit.

L' « Arbre inversé » des mythologies n'est autre que l'arbre pulmonaire, respiratoire et phonateur :

Celui de la forêt recherche la lumière, l'autre se ramifie dans la nuit thoracique.

Si le vent du dehors agite les feuillages, le souffle du dedans remplit les alvéoles.

Le tronc de l'arbre est plein, et creuse est la trachée.

L'arbre absorbe l'anhydride carbonique et restitue l'oxygène, à l'inverse de la respiration humaine.

La chlorophylle verte et l'hémoglobine rouge ont le même noyau tétrapyrrolique, mais centré, dans la première, par un atome de magnésium, auquel se substitue, dans la seconde, un atome de fer.

Tandis que les poumons oxygènent le sang, le coeur propulse celui-ci vers le cerveau, et tous deux commandent les rythmes de son irrigation : le pouls cérébral celui du sang artériel afférent, et la pression respiratoire celui du sang veineux efférent 13.

Ces deux rythmes sont en relation avec ceux de la pensée, lorsqu'elle s'exprime par le discours, les mots-images étant aux phrases-idées dans un rapport analogue à celui des deux rythmes, cardiaque et pulmonaire.

Mais si le cerveau paraît être l'organe de la conscience et de la mémoire personnelles, et fonctionner comme un « filtre » pragmatique, comme le pensait Bergson, le sang, milieu intérieur qui circule dans tout le microcosme après avoir été « intussusceptionné » - suivant les expressions de Lamarck, puis de Marcel Jousse - à partir du milieu macrocosmique, paraît, lui, chargé de la mémoire des deux mondes, et circuler dans le cerveau comme le film dans la caméra de projection, qui n'en met en lumière révélatrice que les séquences utiles.

C'est du moins ce que laisse entendre le grand poète alchimiste lituanien, de langue française, Oscar V. de Lubicz Milosz lorsqu'il écrit :

« Interroge, mon cher enfant, ce sang qui, dès la consistance et la couleur, t'apparaît d'une si céleste substance. »

« Ton coeur est un soleil anatomique, propulseur de ton microcosme sanguin. Et si le cerveau est [...] lune hermétique, ce n'est pas seulement par analogie de couleur. »

« Le cerveau n'est que le satellite du coeur. Il ne fait que recevoir, filtrer et restituer la lumière d'affirmation que lui envoie le coeur dans sa spirituelle radiation. »

« Lune et cerveau sont récepteurs et ordonnateurs de lumière. Ils humanisent le surhumain, rendent accessible, à nos yeux fragiles, le dieu aveuglant 14. »

Selon Milosz, il y a un rapport direct entre le sang et la conscience.

Le sang serait le « Magnum compositum dont la vertu active s'agite encore au milieu des terreurs de la spirituelle éclipse », et qui serait le lieu de la conscience totale.

Et comme cette conscience a pour fondement la mémoire, il écrit encore :

« Quand l'esprit de la terre me dicte : subconscient, moi, dans le lieu seul situé, j'écris : Soleil de la Mémoire. »

« Terre de la béatitude, où l'accomplissement du mouvement mental est la correspondance de l'immobilité de la matière infinie 14. »

Cette correspondance entre matière et mémoire fait de cette dernière la fonction de fixation, dans l'instant de la conscience, de ce que le mouvement de la matière inscrivit dans l'espace et dans le temps.

Ainsi, toujours suivant Milosz, le sang apparaît-il, du point de vue de la matière, comme une substance dont le mouvement physiologique s'inscrit au sein de l'espace et du temps, et en même temps, du point de vue de la mémoire, comme le « lieu seul situé » dans l'instant créateur ; le lieu absolu, le point de Pascal, le foyer de l'information totale.

Les sensations venues du passé et les puissances d'action extériorisées vers l'avenir, qui nous informent sur le milieu extérieur, intégrées par la conscience, unifiées par un sens commun purifié, co-naîtraient, dans l'instant d'une exaltation de la lumière intérieure psychique, jusqu'au niveau pneumatique, ou spirituel, de ce que les mystiques appellent l'illumination. Cette illumination n'est-elle qu'un mot pour tenter d'exprimer le vécu d'une lucidité supérieure, considérée comme indicible, ineffable ?

Ou bien correspond-elle à des réalités physiques, psychiques ou spirituelles ?

Du point de vue physique, rappelons qu'en 1927, quelques mois après la partition de la théorie de Louis de Broglie et Schrödinger, Marcel Courtines écrivait :

« N'est-il pas amusant de retrouver, sous forme scientifique, le vieux problème du " nombre des principes " [...]. Le plus ancien de tous est aussi le plus proche de nous ; la trinité de Brahm, n'est-ce point la Lumière, le Proton et l'Electron ? Le Père, le Fils et l'Esprit ont maintenant des noms scientifiques. Trois principes en un seul, ou bien encore une infinité : les diverses lumières de toutes fréquences. Tout serait lumière. »

« Le " principe unique " fait disparaître toute différence de qualité ; la seule grandeur qui subsiste n'a plus aucune autre signification que celle d'un nombre. Elle ne peut être " décrite " que par le " nombre " et non plus par le " mot " : elle est ineffable. Au début, disent les écritures, était le Verbe. Le Verbe, pour le physicien, s'est fait Nombre 15. »

En 1932, l'ingénieur Ch. Andry-Bourgeois observait que la vitesse de la pensée dépasse de bien loin celle de la lumière dans le vide et que sa quasi -instantanéité pose le problème d'une « énergie supérieure intelligente ». Celle-ci rappelle les « forces qui semblent intelligentes » de la définition de la métapsychique par Charles Richet. En conclusion, il pose la question : « Le royaume des Cieux n'est-il pas le royaume de Dieu 16 ? »

En 1990, le professeur Régis Dutheil et sa fille Brigitte ont proposé un modèle de conscience qui lie celle-ci à la substantialité de l'au-delà du mur de la lumière 17. Mieux encore, la formalisation des vitesses superlumineuses se montre compatible avec tous les phénomènes étudiés par la science métapsychique 18. Il est donc permis d'espérer que cette dernière permettra peut-être, un jour, de proposer des éléments de vérification à l'hypothèse des tachyons.

Du point de vue psychique, on sait que le syndrome de Moody comprend souvent, après la « traversée d'un tunnel », la vision d'une lumière qui, pour le sujet, ne fait qu'un avec l'impression prégnante d'un amour infini.

Tout se passe alors comme si la visualisation et le sentiment ne faisaient plus qu'un, comme si la distinction entre l'objectif et le subjectif se trouvait dépassée, comme si la lumière et l'amour ne formaient plus qu'un Tout.

Qui ne voit la convergence entre cette expérience vécue aux frontières du trépas et le modèle moniste de conscience substantielle ?

A propos de l'image de notre corps, je me souviens d'avoir lu que l'excitation d'un point précis dans la région interpédonculaire du cerveau pouvait provoquer, d'une part, une visualisation de couleurs et, d'autre part, une impression de sortie hors du corps 19.

Si ce point pouvait bien être vérifié, il serait, me semble-t-il, du plus haut intérêt pour la compréhension physiologique de deux éléments du syndrome de Moody.

C'est dans cette région, terminus de la substance réticulée, que se trouveraient des cellules prenant la teinture de Gomori, comme celles de la pars intercerebralis de certains insectes sujets à métamorphose, qui sécrètent leur hormone de mue, l'ecdysone 20.

Resterait alors à se demander si la vision de la lumière d'amour peut ou non préfigurer, au seuil du trépas, le projet ou programme d'une métamorphose par identification à cette lumière, infiniment improbable, certes, mais non impossible pour une toute-puissance infinie, c'est-à-dire divine, telle que la reconnaissent les religions monothéistes.

Les phénomènes de bioluminescence humaine décrits dans les hagiographies, tel celui de saint Joseph de Cupertino, seraient des passages à l'acte partiels et temporaires de cette puissance du « soleil liquide ».

Cette restitution de la lumière reçue du soleil et intussusceptionnée, sous la forme transfigurée d'une lumière vivante et consciente, bouclerait le dernier quart du cycle de l'évolution ; non pas par retour au soleil macrocosmique, mais par glorification du microcosme.

La glorification, ou manifestation sensible de la gloire, archaïquement liée à l'éclat de la foudre, fut ensuite, le plus souvent, comparée à une lumière solaire, comme dans le récit de la Transfiguration de Jésus devant Pierre, Jacques et Jean : « Son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent éblouissants comme la lumière 21 » et... « voici qu'une nuée lumineuse les prit sous son ombre 22 ».

Par la plume de Clemens Brentano, la grande visionnaire Anne-Catherine Emmerick, en extase agonique, décrit ainsi l'Ascension de Jésus :

« Il parut resplendissant de blancheur comme la lumière du soleil, et, du ciel, descendit sur lui une vaste auréole où brillaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel [...]. Le Seigneur brillait d'un éclat plus grand encore que l'auréole qui l'enveloppait. [...] Je vis sa forme visible, en s'élevant, s'évanouir à partir de la tête, dans cette splendeur céleste. On eût dit un soleil entrant dans un autre soleil 23. »

Cette vision de l'Ascension, que Marthe Larcher peignit sur un des murs de la chapelle Notre-Dame-de-la-Gardette, à Saint-Paul, pourrait bien avoir été inspirée par le récit évangélique de la Transfiguration.

Dans l'iconographie chrétienne, gloires, mandorles, auréoles expriment l'irradiation de la lumière, comme la forme rayonnante des ostensoirs apparue après le concile de Trente (1545-1563).

De nos jours, l'archétype solaire se retrouve sous des formes plus singulières : lorsque le peintre Enzo Cini me demanda un texte concernant les peintures oecuméniques dont il avait couvert les murs de la chapelle toscane de San Felice, je vis que sur le chevet, derrière l'autel, il avait figuré l'ombre d'une croix dont les bras, semble-t-il, embrassent l'infini, tandis que son sommet joint un soleil et son double.

Double mystérieux qu'Enzo Cini figura, sans qu'il sache comment ni pourquoi ; mais il approuva pleinement le sens que je crus pouvoir lui donner en écrivant : « Le concevable n'est qu'à peine imaginable. Il semble que la " machine à faire des dieux " conduise l'information depuis le monde des bradyons et des luxons du soleil physique vers celui des tachyons, dans l'au-delà du mur de la lumière où brillera, dans l'aveuglante clarté du Soleil de la Mémoire, cet oecuménisme transcendant qui n'est pas fait de syncrétisme, mais de convergence vers la communion en Dieu 24

Les archétypes du jour, de la foudre, du soleil et de la lumière se retrouvent dans toute la cosmo-anthropologie religieuse, qu'il s'agisse de « jour de gloire » ou d'apothéoses, d'apparitions ou de théophanies, de révélations naturelles ou de révélations divines.

« Dieu est-il la Claire Lumière des enseignements tibétains ? » se demande M. François Chenique en notant que « le mot Dieu dérive de la racine indo-européenne Dei qui signifie " lumière brillante " [...] ; cette racine a donné des mots comme Zeus, Deus, Jupiter, qui indiquent la divinité, et également les mots dies, jour, diurne, qui indiquent tous la lumière 25 ».

Jupiter est le dieu du Ciel, de la lumière diurne, de la foudre et du tonnerre.

Dans l'Ancien Testament, Dieu est créateur et maître de la lumière qui le revêt « comme d'un manteau 26 », mais cette lumière créée n'est qu'« un reflet de la lumière éternelle » qui la surpasse 27. On voit donc se dessiner le concept de deux lumières, l'une divine, infinie, créatrice, et l'autre créée par la première.

Dans le Nouveau Testament, le Verbe divin, par qui tout a été fait, est la véritable lumière qui « illumine tout homme venant en ce monde » 28. Incarné, sa transfiguration anticipe la lumière eschatologique de la gloire finale à laquelle sont appelés à participer tous les hommes, qui ne sont pas la lumière, mais seulement « Fils de la lumière ».

Le symbolisme des deux lumières, celle de notre monde et celle de l'au-delà du mur qui la limite, se retrouve dans le Symbole des apôtres. Si celui-ci affirme la consubstantialité du Verbe créateur avec Dieu, « engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait », il précise qu'il est « lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ».

Ce thème se retrouve dans un hymne composé par saint Ambroise (330-397) :

« Splendeur de la gloire du Père
Portant lumière de lumière,
Lumière, source de lumière!
Jour qui illuminé le jour !

« Soleil véritable, rayonne.
Brillant d'un éclat éternel
Et de l'ardeur du Saint-Esprit,
Ô Soleil, pénètre nos sens.


« L'aurore apporte la lumière.
Vienne vers nous en sa splendeur
Le Fils tout entier dans le Père
Le Père tout entier dans le Verbe ! »


Le trépas apparaît comme nécessaire pour passer d'une lumière à l'autre.

Dans la liturgie catholique, le mémento des défunts demande à Dieu : « Reçois-les dans la lumière auprès de toi. »

Et l'image des deux soleils distingués par la mort est exprimée par l'inscription gravée sur le cadran solaire du mémorial de Dormans, au bord de la Marne :

« Viventibus lumen solis
Dormientibus lumen Dei. »

« Aux vivants la lumière du soleil, aux dormants la lumière de Dieu. »

Nous pouvons maintenant mieux mesurer toutes les difficultés sémantiques attachées au mot lumière annoncées au début de cette lettre : mot appliqué à trois aspects très différents de la réalité tels que perçus par la conscience, à moins qu'il ne s'agisse de trois réalités différentes exprimées dans des sens analogiques, métaphoriques ou poétiques.

Mais l'emploi d'un même mot pour désigner ces aspects de la réalité, ou ces réalités, montre une prédominance de la vision sur tous les autres sens, comme si ce dernier-né, le plus proche de l'instantanéité, donc de la vérité par perception du présent, grâce à la vitesse de la lumière, annonçait le triomphe du sensorium, ou sens commun, qui est le siège de la lucidité.

« Tu désires voir, écoute : l'audition est un degré vers la vision », écrivait Bernard de Clairvaux ; et encore : « la vision béatifique doit être la récompense d'une ouïe attentive, dont le mérite nous vaudra la vision ».

Cette vision béatifique est souvent qualifiée de « vision océanique » par les mystiques d'Orient comme d'Occident, comme par allusion implicite au lien entre l'eau, le sang et l'esprit, dont Jésus parlait à Nicodème.

L'emploi de ce même mot ne ferait-il que traduire notre aspiration profonde, mais subjective, à tendre vers l'unité, ou bien cette aspiration elle-même résulte-t-elle d'une intuition fondamentale et universelle, en relation avec la réalité d'une unité cachée dans la diversité ? Dans ce dernier cas, le mot lumière s'appliquerait non pas à trois réalités, mais bien à trois aspects d'une même réalité.

Nous nous sommes efforcés de saisir le fil qui conduit de la lumière extérieure physique, par des mécanismes d'intussusception, de complexification et d'autonomisation syntropiques qui demeurent mystérieux, jusqu'à ce stade que Pierre Teilhard de Chardin a appelé le « pas de la réflexion », duquel émerge la lumière intérieure psychique.

Puis, nous avons évoqué deux directions de recherche scientifique

- En mathématique physique, la théorie des vitesses superlumineuses, qui permet de proposer un monisme physico-psychique au-delà du mur de la lumière par substantialisation de la conscience ou conscientisation de la substance ;

- En physiopsychologie métapsychique, avec la notion moniste de « forces qui semblent intelligentes », mais qui se manifestent, en ce bas monde, d'en deçà du mur de la lumière, en étudiant, avec la psychokinèse, des phénomènes non seulement psychosomatiques, mais, effectivement, psychosomatophysiques.

Non seulement ces deux directions sont compatibles, mais, encore, elles paraissent prometteuses de complémentarité et de convergence, la seconde offrant à la première un champ d'observation et d'expérience cohérent sur une possible communication entre les deux mondes, à travers le mur de la lumière.

Enfin, l'inventaire bien systématisé et scientifiquement critiqué de la phénoménologie ascétique et mystique devrait laisser entrevoir la possibilité d'émergence d'une psychophysiologie de la métamorphose humaine, sous la motion de l'exaltation spirituelle, telle qu'elle a été esquissée par Görres, Jérôme Ribet, Herbert Thurston, Olivier Leroy, Albert-Frank Duquesne, Pierre Teilhard de Chardin, Aimé Michel, Jean Guitton, Gustave Martelet, Hélène Renard et Joachim Bouflet. Métanoïa effective qui, transformant le vieil homme en homme nouveau, unifie le soma et la psyké dans le pneuma, assume le corps et l'âme dans la glorieuse lumière de l'esprit 29.

Enfin, l'on peut souligner l'intérêt d'approfondir les convergences entre les révélations naturelles de la réflexion scientifique, et cette révélation religieuse, étudiée par la théologie, ou vécue dans le réalisme mystique, que saint Thomas d'Aquin compare à la communication d'une lumière que nous ne saurions percevoir comme nous percevons la lumière ordinaire.

Au Bereshit de l'Ancien Testament répond, dans le Nouveau Testament, le début de l'évangile de saint Jean : dans ces deux commencements, le Verbe divin, qui est lui-même lumière créatrice, sépare la lumière créée des ténèbres. Le Coran dit aussi que « Dieu est la lumière des cieux et de la terre C'est une lumière sur la lumière. Dieu conduit vers sa lumière celui qu'il veut 30 ».

Avant que saint Jean de la Croix (1542-1591) ait traversé la « nuit obscure » pour aller vers cette lumière, Ibn al'Arabi, en 1195, avait connu, à Fès, la triple science de l'« illumination du dévoilement, de la douceur et de l'expression », qui me paraît correspondre à la triade : information, communication, action 31.

Cette illumination rassemble, dans le feu de l'instantanéité, le concept, sa formalisation verbale et son expression. Le verbe est parole substantielle. Le mot est la chose, comme le nom est la personne nommée. Le Verbe est absolue vérité. L'information infinie, ou plérôme, la communication infinie, ou logos, et l'action infinie, ou Toute-puissance, ne font qu'un en raison même de leur infinitude.

L'illumination d'Ibn al'Arabi « s'accompagne d'un charisme sensible à l'instar du Prophète, qui déclarait voir derrière son dos, Ibn al'Arabi devient un " visage-sans-nuque " [...] un oeil total, capable de saisir toutes les directions de l'espace 32 ».

Ce phénomène perceptif, qui fut aussi observé en métapsychique, traduit un aspect visuel de la perception par le sensorium, ou sens commun, qui n'est plus « extérieure et perspective », mais « intérieure et conforme », suivant l'expression de Gérard Cordonnier 33.

Il nous invite à penser que le sensorium hominis est à l'image et à la ressemblance du sensorium Dei34 et que cette ressemblance doit être exaltée jusqu'à leur identification pour concevoir tant une incarnation du Verbe qu'une « verbification de la chair », de l'alpha à l'oméga de la lumière, dans ce théodrome qu'est la « machine à faire des dieux », machine à moudre le grain du microcosme pour en faire le pain vivant du microtheos 35.
 
 


Veuillez agréer, je vous prie, chère Mademoiselle, l'amicale expression de mes pensées choisies et de mes sentiments dévouées.

Hubert LARCHER
Saint-Paul, le 21 mars 1991.

1. Duplessis Yvonne et coll., Les Couleurs visibles et non visibles, Monaco, Rocher, 1984.

2. Larcher Hubert, « Parapsychochimie de la divination ». Revue métapsychique, année 1962, p. 44-61.

3. Bergson Henri, L'Energie spirituelle, Presses Universitaires de France, 1940, p. 110-152,

4. Ey Henri, Traité des hallucinations, Masson, 1973, t. I, p. 47.

5. Hamilton William, « Lectures ». Metaphysics, 1, 191.

6. Larcher Hubert, « Conscience du présent et de l'éternité ». Vedanta 18, Centre védantique Ramakrishna, Gretz, 1969, p. 33-44.

7, Delay Jean, Les Ondes cérébrales et la Psychologie, Presses Universitaires de France. 1942, p. 63-64.

8. Ibid., p. 42.

9. Ibid., p. 43.
Jasper H.H., Cruikshank R.M. et Howard H., « Action Currents from the Occipital Region of the Brain in Man, as Affected by Variables of Attention and External Stimulation », Psych. Bull., 1935, 32, p- 565.

l 0. Görres, La Mystique, Paris, Poussielgue-Rusand, 1854. t. I, livre III, ch. 8, p.320.

11. Ibid., ch. 11, p. 344.

12. Richet Charles, « La Science métapsychique », avant-dernière leçon de physiologie donnée à la faculté de médecine de Paris, le 24 juin 1925, in La Presse Médicale, n° 51 du 27 juin 1925 (Masson).
Richet Charles, Traité de métapsychique, Félix Alcan, 1922, p. 2-5.


13. Flourens Pierre, De la vie et de l'intelligence, Garnier, 1858.

14. Milosz O.V. de Lubiez, Ars Magna, A. Sauerwein, 1924.

15. Courtines Marcel, « La Lumière, principe du monde, à propos de Jean Perrin, Prix Nobel de physique 1926 », Cahiers de la Quinzaine, 18è série, 4è cahier, 1927, p. 59-61.

16. Andry-Bourgeois Ch., « Les Grands Problèmes de la physique moderne. L'Astrophysique », Revue métapsychique, 1932, n° 5, p. 357.

17. Dutheil Régis et Brigitte, L'Homme superlumineux, Sand, 1990, Ch.III et IV, p. 60-100.

18. Dutheil Régis et Brigitte, L'Homme superlumineux et les Phénomènes métapsychiques, conférence prononcée à la Société des Amis de l'Institut Métapsychique international, le 25 octobre 1990

19. Lhermitte Jean, Van Bogaerts Ludo.

20. Joly Pierre, L'Endocrinologie des insectes, Masson, 1968.

21. Matthieu, 17-2.

22. Matthieu, 17-5.

23. Visions d'Anne-Calherine Emmerick, Téqui, 1922, 5è éd., t. III, p. 408.

24. La Capella di San Felice, à paraître.

25, Chenique François, « Christianisme et bouddhisme», Dharma 10. Institut Karma-Ling, janvier-mai 1991, p. 80.

26. Psaume CIV, 3.

27. Psaume VII, 27-30.

28. Jean, 1, 3-4, 9 et 9, 5.

29. Görres, La Mystique divine, naturelle et diabolique, Poussielgue-Rusand, 1854-1861-1862.
Ribet Jérôme, La Mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines, Poussielgue, 1895-1902.
Thurston Herbert, Les Phénomènes physiques du mysticisme, Gallimard, 1961. (Réédition par Albin Michel en 1986.)
Leroy Olivier, La Lévitation. Les Hommes-Salamandres. Desclée de Brouwer, 1931 - Splendeur corporelle des saints.
Frank-Duquesne Albert, Cosmos et gloire, Vrin, 1947.
Michel Aimé, Mélanoïa. Phénomènes physiques du mysticisme, Albin Michel, 1986,
Guitton Jean, Philosophie de la résurrection. Monadologie. Court traité de phénoménologie mystique. Îuvres complètes. Philosophie, Desclée de Brouwer, 1978, V, VI, VII, p. 777-903.
Martelet Gustave, « La Certitude de la foi devant l'improbabilité de la résurrection », Bulletin de la Société de Thanatologie, n' 47, 1980, p. 41-44.
Martelet Gustave, « Les Grandes Intuitions chrétiennes de Teilhard de Chardin », Bulletin de la Société de Thanatologie, n'56, 1983, pp. 10-16. Extrait du livre : Teilhard de Chardin, son apport, son actualité. Colloque du Centre Sèvres, 198 1, Ed. du Centurion.
Renard Hélène, Des prodiges et des hommes, Ph. Lebaud, 1990
Bouflet Joachim, Encyclopédie des phénomènes extraordinaires dans la vie mystique. Les phénomènes lumineux du mysticisme. F.X. de Guibert (Îil), t. I, chap. 2, Paris, 1992.


30. Le Coran, Sourate XXIV, 35.

31. Addas Claude, Ibn al Arabi ou la quête du soufre rouge, Gallimard, 1989, pp. 168-169

32. Id., p. 182.

33. Cordonnier Gérard, « Voyance et mathématiques », Revue métapsychique, n° 2, juin 1966, p. 40.

34. Zafiropulo Jean et Monod Catherine, Sensorium Dei dans l'hermétisme et dans la science, Les Belles Lettres, l976.
Larcher Hubert, Anthropodynamique des phénomènes paranormaux, Rencontres Forepp 1979, Parapsychologie, n° 9, p. 3-21.


35. Bergson Henri, Les Deux Sources de la morale et de la religion, chapitre IV : « Mécanique et mystique », in Îuvres, Editions du Centenaire, PUF, 1959, p 1 245.
 

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